Rencontre inattendue [Maison de Ash Hetep]

J'ouvre la pote et la claque derrière moi. L'odeur de renfermé arrive à mes narines, il faut vraiment que j'aère. Je traverse le long couloir de l'entré et jette ma veste sur le canapé. Elle est vite rejoint par ma cravate et ma ceinture. J’enlève mes chaussures sans défaire les lacets, pressé de me libérer de leurs emprises. Je les lances vers la porte d'entrée et je les entends cogner contre le bois de la porte. C'est ma façon à moi de m'exorciser, de relâcher le pression pour le soir.

Je défais ma chemise et j'enlève mon pantalon, je prends un short noir et un T-shirt simple et gris. Je sors de ma chambre et descend d’escaliers pour arriver au salon, ma cravate, ceinture et veste sont toujours sur le canapé, comme une mue de serpent. L'idée de bruler ces vêtements me traverse l'esprit et j'imagine ces chaines modernes subir le sort qu'elles méritent. Ces riches vêtements sont les symboles de ma pauvreté : Je n'ai ni amis, ni femmes, ni enfants, ni loisirs, ni vie sociale. Je n'ai aucune envie de me lever le matin, aucun but personnelle, aucun défouloir, aucun soutient, juste le vide qui m'entoure pour écouter mes plaintes.

Je sors un verre et une bouteille de Whisky, en verse un peu dedans avant de le porter à mon nez puis à ma bouche. Le liquide doré me réconforte quelques secondes, puis laisse mes pensés vagabonder où bon leurs semble. Comme d'habitude elles s'orientent sur ma vie, à la fois pleine et vide. Les journées se sont rallongés depuis l'apparition de Siloss. On me questionne sans arrêt, faut-il entrer dans ses grâces ou se faire respecter ? Laissez moi. Faut-il attendre un geste de sa part ou envoyer un messager tout de suite ? Laissez moi ! Doit-on comploter contre lui ou trahir les autres pour le rejoindre ? LAISSEZ MOI !

La solitude est omniprésente, elle me prend dans ses bras, elle est ma seule amante, la seule qui ne me laissera jamais vraiment. J'attrape un coussin et le frotte de la paume de ma main. Ça fait longtemps que je n'ai pas caresser quelqu'un. Un animal, un enfant ou une femme, ma main n'effleure que du papier et des stylos. A se demander si elles n'ont pas été créer que pour ça, que pour travailler. Mon travail qui est considéré comme une chance, comme un honneur mais qui me tue à petit feu. Toujours garder son calme, toujours contrôler ses émotions, ne rien laisser filtrer et rester professionnelle en toute circonstance. Je suis surement la Salamandre la plus calme du monde. Et pourtant je rêve de crier qui je suis, ce que je pense, ce que je crois. Mais je me contente de chuchoter. J'aimerais tellement me déchainer, m'enflammer, LES enflammer. Mais je me contente d’acquiescer. Et tout ça pour des gens qui ne me respecte pas, qui veulent ma place. Et bien prenez là et faites mieux ! J'ai sacrifié ma vie et endurés la douleur pour vous, serez capables d'en faire autant ? Serez vous capable de faire passer une obligation avant vos envies ? De supporter le malheur de centaines de personnes sans quelqu'un pour vous rassurez, vous réconforter et vous donner foi en l'avenir ? J'ai tellement fait pour les autres et regardez où j'en suis moi.

La sonnette retentit et m'arrache à mes pensés sombres et quotidiennes. Je me lève et me dirige vers la porte. Quelques secondes suffisent à afficher un sourire, j'ai l'habitude de porter un masque. Qui peut bien venir me faire chier à cette heure là ? Si c'est encore pour le travail, je vais exploser et détruire ma maison dans un excès de colère.

A ma grande surprise, ce n'est pas quelqu'un que je connais. C'est une jeune femme d'une grande beauté. Un visage d'ange sur un corps à faire pâlir une succube. Tout semble si pure chez elle, seul le noir qui entoure ses yeux océans semble réel. Ne sachant pas ce qu'elle veut je me contente d'un vulgaire et banal :

-"Oui ?"

Voici déjà quelques minutes que je marche dans les petites rues pavées de Netikerty, à la recherche de mon chemin. La soirée était déjà bien avancée, mes pas étaient lents. Cela faisait longtemps que je n'avais pas erré dans ce quartier, seule. Les odeurs de nourritures qui s'évadent des maisons, les rires et les pleures des familles bien chez eux, tant de souvenirs qui me manquent des fois. Partie de chez mes parents depuis déjà quelques années, je n'ai plus l'habitude de rester flâné, tranquillement, à Netikerty, mais ça fait du bien de se replonger ici, dans ces lieux pleins de bons moments passés, même si ce n'est pas volontaire. Mes parents venaient de me confier une enveloppe avant que je ne partes de la maison, anciennement ma maison, ils m'avaient demander de la porter à Ash Hetep, le dirigeant du quartier. Je ne l'ai jamais rencontré personnellement mais mes parents si. Pourquoi ne sont t'ils pas allés eux même porter l'enveloppe alors ? Je ne sais pas, je devais être "sur le chemin". Mon chemin lui me paraissait tellement long et plat. Il me laissait le temps de réfléchir, il est bien moins mouvementé que les chemins que je prends par habitude pour retourner à Aletta.

Mes cheveux blonds et lisses se balançaient à chaque pas que je faisais, ils caressaient doucement ma nuque comme pourrait le faire une personne si je n'avais pas eu à porter cette stupide enveloppe. Car il faut l'avouer, c'est pas ma tasse de thé de jouer la factrice pour un pur inconnu que je ne connais que de nom depuis que je suis jeune. La main serrée sur le papier plié, je me mis à accélérer, la hâte de lui donner son morceau de papier avec je ne sais quoi dessus et de pouvoir retourner dans les bars me trouver de quoi occuper ma soirée. Avec la vitesse de mes mouvements et la brise légère, mon t-shirt blanc trop large flottait autour de ma taille. Mais je n'avais pas froid, le vent fait parti de moi après tout. Arrivée au bout de la rue je vois enfin la fameuse maison de ce Ash ! Une maison banale quoi qu'un peu grande si il y vit seul. Je porte l'enveloppe à ma bouche le temps de me recoiffée avec le bout des doigts. Histoire de ne pas lui montrer que pendant une bonne partie du chemin je ruminais du fait de jouer la factrice d'une soirée. Le papier de nouveaux en main, une trace de rouge à lèvres le décorant je m'approche de la porte et appuis sur le bouton de la sonnette, celle ci laissa résonner un bruit aigu dans la maison.

" - Oui ? "

Est ce la bonne personne se dressant devant moi ? Un homme en short et t-shirt, bien loin de ce que je m'attendais. Je m'attendais à un homme en costard, classe jusqu'aux bout de ongles. Ou sont les majordomes ? Les dames sortant de la maison laissant comprendre l'ambiance qui s'y passe. Rien de tout ça, rien de ce que je pouvais imaginer d'une maison de "chef" de quartier, du coin de l’œil je cherchais derrière cet homme mais rien. Aucuns hommes en costard pour m'accueillir sur le pas de la porte, ni dames sortant en riant. Est ce bien "le" Ash Hetep ?

" - Ash ? "

A quoi bon prendre des pincettes, il ne s'est même pas présenté. Sans attendre, et d'un mouvement rapide accompagné d'une brise je lui tend l'enveloppe. Sur mon visage pâle, seuls mes yeux laissent entrevoir une expression quelque peu mécontente.

" Ça vient de la famille Walters, mes parents. Je ne sais pas ce que c'est, c'est pour toi j'imagine !"

Et voilà, le tutoiement, je ne voulais pas être vulgaire envers un "chef" de quartier, mais le rôle de facteur me tournait dans la tête et ne me plaisait pas du tout. Pourtant, je ne quittais pas ses yeux. Ni même le plancher de l'entrée. Il avait l'enveloppe. Qu'est ce que j'attendais ? Une simple réponse peut être. Un merci pour m'être déplacée ? Mes parents m'avaient tellement parler de lui quand je vivais ici, que je voulais découvrir encore quelques minutes, quel est l'homme se cachant derrière un nom et une histoire brillante.

Je connais bien la famille Walters, Ellen Walters a longtemps été ma conseillère. A vrai dire quand j'ai débuté c'est elle qui dirigeait le quartier, pendant que je prenais note de ces faits et gestes, c'est elle qui m'en a appris le plus. J'avais vingt ans à l'époque. Ellen Walters est surement la personne que j'aime le plus dans ce quartier. J'ai longtemps cru que notre relation ressemblait à une relation "mère-fils". Je me suis rendu compte que ce n'était pas le cas le jour où elle m'a parlé de sa fille pour la première fois. Ses yeux pétillait et elle semblait si heureuse. Je crois qu'elle s'appelle Oldye ou Oldwyn. Finalement Ellen à démissionné de son poste de conseillère quand elle à jugé que je pouvais me débrouiller tout seul. Elle a aussi précisé qu'un jour je devrais trouver quelqu'un pour la remplacer. Mais je n'imagine personne capable de faire ce travail comme elle le faisait.

Sa fille ressemble plus à son père, mais elle a le port de tête de sa mère. Je prends la lettre.

-"Ta mère m'a beaucoup parlé de toi, elle va bien ? Oh excuse moi, tu préfère peut-être rentrer pour en parler ?"

A ces mots j'ouvre la porte en plus grand et je me pousse pour la laisser passer. Elle entre et je referme la porte derrière elle. Quelques unes de ses mèches de cheveux flottent derrière elle. Arrivé au bout du couloir elle examine la pièce. Elle semble un peu surprise.

-"Oldwyn ? C'est ça ?"

Elle acquiesce avant de reprendre son examen. Je lui propose de s'asseoir et elle s'installe confortablement dans le canapé. Je bouge un siège en cuir beige pour être en face d'elle.

-"Je pense que la lettre concerne l'avis de ta mère quant au relation que je devrait avoir avec Siloss. Je la lirait plus tard, ne t’inquiète pas tu n'as pas fait ce chemin pour rien. Tu veux boire quelque chose ?"

Mon verre de Whisky traine toujours sur la table. Mince, elle va me prendre pour un alcoolique. Bon c'est vrai que je bois de plus en plus souvent mais elle a pas besoin de le savoir. Elle dit qu'un Whisky lui irait bien. Merde c'est sur qu'elle l'a vu. Je lui sert ce qu'elle demande. Bon maintenant il est temps de faire si je me suis pas rouillé sur le plan social, tout d'abord trouver un sujet.

-"Tu es pas à Netikerty, je m'en ressouviendrais. Je dirais que tu es à Riverouge, je me trompe ?"

La brise faisait ondulée mes cheveux encore une fois. L'homme face à moi bafouilla quelques mots que je n'écoutai que vaguement, il parlait de ma mère je crois puis il a fini par m'inviter à entrer, je n'hésitai pas une seconde, je refermai la porte derrière moi et m'avança un peu dans la demeure assombrie. Ce n'est vraiment pas ce que je pensais d'une résidence de dirigeant, mes idées fêtent sur le paillasson sont belles et bien envolées.

Ash ne m'avait pas confirmé son prénom mais j'avais compris que c'était bien lui car il avait pris l'enveloppe. Puis sans même avoir eu le temps de lui annoncer le mien il me demanda si je m'appelais bien "Oldwyn", bien sure que c'est moi, mais comment pouvait t-il le savoir ? Se souvenait-il de moi vivant ici ou alors de ce que ma mère à pu lui dire ? Je ne me demanda pas plus longtemps comment il connaissait mon prénom, je lui répondu simplement d'un mouvement de tête qui confirmait sa pseudo question. Ensuite je m'installa sur le canapé, en tailleur. Certes il y a plus classe et polie comme position, mais il m'avait proposer de m'asseoir, je prend un peu mes aises, lui connaissait bien mon prénom, c'est déjà beaucoup. Finalement bien installer sur le canapé, il s'installa face à moi dans un fauteuil, un peu gênée d'être fixer je tournai les yeux un peu partout dans la pièce. Des meubles, des livres, une veste, un verre de Whisky si j'ai bonne vue. Ce verre me donnait vraiment envie, quand il m'en proposa un, je ne m'y pas longtemps à lui demander du whisky, j'aurais pu demander quelque chose de plus soft, mais c'est me tenter de mettre un verre de ce merveilleux alcool à proximité. C'est généralement ce que je prends quand je suis accompagnée, quoi que ... seule aussi je peux en boire.

En pleine réflexion sur le whisky je fus couper quand il me posa une question dont la réponse ne mit que quelques secondes à arriver :

" Tu te trompe, j'ai quittée Netikerty pour Aletta. Non pas que je n'aimais plus ce quartier, mais ma curiosité m'y a poussé. Et comme on ne peut pas partir de Arklow, autant visiter ce qu'il y a. "

Pourquoi étais je en train de me justifier ? Ce n'est pas un crime de quitter un quartier, pleins de personnes l'ont fait et d'autres le font encore à ce jour. Je pris une gorgée de mon verre, je m'amusais à faire tourner son contenu du bout des doigts, comme une spirale. Puis je redressa les yeux vers Ash en lui disant, sourire en coin :

" Tu es bien différent de ce que j'entends sur toi. J'aime ça ! "

A l'énoncé de ces quelques mots, Ash avait l'air perplexe. Je devais lui paraître bizarre à dire ça alors que je ne le connais pas réellement. Comment apprécier une personne qui nous est totalement inconnue ? Alors après avoir remis une mèche en place et avoir bu une gorgée de liquide ocre j'ajouta :

" J'ai toujours entendu des éloges sur toi, ma mère me disait qu'il n'y avait pas meilleur successeur. Tu me paraissais bien ... trop parfait. je repris une gorgée avant de continuer en le fixant ; mais en quelques minutes, avec un whisky, tu me parais plus réel et intriguant. "

Ce n'est peut être qu'une impression mais il me parait plus "humain", s'en est ironique. J'aime l'idée d'avoir en face de moi le vrai Ash Hetep et pas l'homme parfait que tout le monde rencontre.

Le whisky aidant, la conversation continua. Elle aborda plusieurs sujet sans rapport les uns entres les autres. Par moment je donnais quelques détails sur moi visant à détruire l'image de "trop parfait" qu'elle avait de moi. C'est étrange d'apprendre à connaitre la fille de quelqu'un qui vous a tout appris. Mais ça fait du bien de ne pas être seul, de rencontrer en dehors du boulot. J'ai pas l'impression qu'il y a se gouffre entre nous, ce gouffre que je m'efforce de creuser quand le travail me fait rencontrer une nouvelle personne. La seule personne qui essaye de boucher ce gouffre, c'est Freya, du coup je m'oblige à creuser deux fois plus vite. Mais avec Oldwyn c'est différent, peut-être juste le temps d'une soirée. Je veux en savoir plus sur elle.

-"Et c'est quoi ton but ?"

Elle me regarde, perplexe.

-"Par exemple, moi en tant que dirigeant, mon but c'est d'offrir la meilleur vie possible aux habitants. Et j'essaye aussi de résoudre quelques problèmes à coté mais mon but principale dans ma vie, c'est les habitants de Netikerty, d'Arklow aussi. On pourrait même étendre ce but envers tout les surnaturelles, mais avec le sortilège autour de la ville c'est pas possible. Et toi ?"

C'est un peu brusque, mais je n'ai pas beaucoup de temps à perdre : Je ne sais pas quand elle partira.

"Et c'est quoi ton but ?"

Quel but ? Qu'est ce que je voulais faire ? Là ? Ou dans ma vie ? Sa question me laissait perplexe. Je n'arrivais pas à savoir ce qu'il voulait vraiment savoir de moi, c'est rare que les gens essayent de savoir ce que je veux faire. Il ajouta à sa question une longue tirade sur sa vie de dirigeant, je laissa un soupir s'échapper, non pas une soupir qui me faisait dire "je me fais chier", plutôt un soupir qui confirmait une partie de mes pensées, il n'a pas l'air de prendre du temps pour lui. Sa vie s'est construite autour de son devoir et il n'en démord pas. Il veut faire tout pour les autres mais ne s'occupe pas plus que cela de lui. Je trouve ça dommage. Si ma vie était réduite à suivre mes devoirs, je m'ennuierais. Voilà c'était ça. Est ce qu'il ne trouvait pas sa vie un peu ennuyante à la longue ? Je n'allais pas lui demander, après tout, chacun choisi ce qu'il veut faire de sa vie, elle nous est propre et unique. Je trouve simplement cela ... dommage, encore. Alors que inconsciemment je réfléchissais à mon "but", je continuais à le fixer, sans raisons particulières. Je leva une énième fois le verre à ma bouche pour le finir et le reposer délicatement sur la table en tendant bien le bras. Une fois revenue à ma place, je décroisa les jambes afin de m'asseoir "normalement" sur le canapé. Une main appuyée sur le rembourrage de l'assise je lui dis :

" Je crois que je n'ai pas de but aussi défini que le tien. Je pense même ... ne pas avoir de but, ou alors ça serait simplement de mener ma vie comme je veux et de réussir à me dire quand mon heure viendra : Je ne regrette pas de l'avoir vécu. C'est sans doute idiot mais je vis au jour le jour et surtout je vis pour moi. Une vie simple tu me diras, mais je l'aime comme ça. "

Je ne suis pas une méchante qui ne veut aider personne, c'est juste que ma modeste vie passe avant celle des autres. Je ne savais quoi ajouter, était t'il en train de me juger, de se dire que je n'aurais même pas dû entrer ? Je ne savais pas, aucunes expressions ne s'affichaient sur son visage. Il m'observait de temps à autres, je lui rendais ces regards, tout ça dans le silence de la maison.

Déjà quelques minutes que nous croisons nos regards sans rien dire, j'avais eu le temps de défriper mon t-shirt au moins cinq fois avec mes mains. Si j'étais chez moi voilà longtemps que nous ne serrions plus sur les canapés à se fixer, mais c'est autre chose ça. Il fait chaud. D'un petit geste discret je fis arriver à ma nuque un filet d'air frais. Cette ambiance commençait à me mettre mal à l'aise alors je me leva un peu du canapé en remettant mes cheveux en place et en expliquant à Ash :

" Je ne vais peut être pas passer la nuit ici, je dois déranger ! Et il faut que je trouve un magasin encore ouvert pour mon repas. "

Je me dirigeais lentement vers la porte en réfléchissant à mes paroles, passer la nuit ici n'aurait pad été dérangeant dans d'autres circonstances, mais les duels de regards n'est pas une activité que j'aime vraiment. Et j'ai réellement faim ! Je passe donc devant la table ou l'enveloppe est déposée soigneusement, avec "Ash" écrit en grand avec la douce écriture de ma mère. Je m’arrête en chemin pour me retourner vers Ash, histoire de le remercier pour le verre.

J'aime sa vie, je voudrais pouvoir faire pareil, mais c'est trop tard, je suis déjà rentré dans les rouages du pouvoirs et je ne me pardonnerai jamais d'abandonner mon quartier sans raison valable. Je suis impressionné par sa force, vivre au jour le jour, profiter sans se soucier des conséquences ; j'en serais incapable. Quand je sors de ma carapace professionnelle, je me sens tout petit devant les autres personnes avec une force de volonté comme elle. Je suis gêné et je ne sais pas quoi répondre. Comme à chaque fois que je suis dans l'embarras je regarde le sol, et ma température corporelle s'élève réchauffant ainsi la pièce.

Après un long silence se lève, passe une main dans ses magnifiques cheveux et me dit qu'elle doit partir. Je la suit, elle se retourne avant que je puisse l'appeler.

-"Tu ne me déranges pas, au contraire. Pour une fois que je reçois quelqu'un d'autre qu'un de ces dirigeants givrés, ça me fait plaisir. Et puis je n'ai pas encore mangé non plus, je peux nous préparer quelque chose ?"

Je préfère ne pas aborder le sujet de passer la nuit ici, je risque de dire n'importe quoi. Elle réfléchit quelques secondes et accepte. Nous nous redirigeons vers la salle à manger, j'installe deux assiettes sur la table, elle s’assoit et je me dirige vers la gazinière. J'allume deux plaques du bouts des doigts, et commence à faire fondre le beurre dedans. Je lui explique que je ne suis pas un très bon cuisinier, mais ça n'a pas l'air de la déranger. Bon maintenant, qu'est ce que je pourrais bien faire ? Génial, j'ai deux steak hachés, des pâtes et des pommes de terre, un vrai festin de roi. Et en plus elle vient d'Aletta, je ne me risquerait pas à faire des pâtes.

-"J'ai pas l'habitude d'avoir de la visite, du coup j'ai que ça. Si ça va pas je peux commander quelque chose."

Elle sourit légèrement. C'est bizarre j'ai l'impression qu'elle ne me regarde pas. Enfin, qu'elle ne regarde pas la partie superficielle mais qu'elle essaye de comprendre qui je suis en regardant à l'intérieur. C'est la première fois qu'on me regarde comme ça. C'est étrange mais pas dérangeant. Ce qui est encore plus étrange c'est que je n'ai pas l'impression d’être un dirigeant avec elle. Elle n'est pas de mon quartier donc pas sous mon autorité, et elle n'a pas à avoir d'un incident diplomatique ; heureusement sinon la soirée aurait été bien différente. Je ramène les steak et les pommes de terres à table. Je la sert généreusement et je prend ce qu'il reste. Je vais chercher la bouteille de whisky, et remplit nos verres. Et zut, j'ai oublié de lui demander si elle en voulait. On dirait un pervers qui veut l'obliger à être saoul. Je fixe mon assiette et mon corps se réchauffe à cause de l'embarras. Finalement le repas se passe en silence, sans interruption.

-"Bon, je vais lire la lettre maintenant sinon je vais oublier."

Je me lève et ramasse l'enveloppe. Je l'ouvre et la lis. Ellen me donne son avis sur les relations que je devrais avoir avec Siloss, je dois lui devenir "indispensable" mais aussi imposé mon autorité et ne pas tout accepter. En PS elle rajoute que grâce à elle j'ai enfin pu rencontrer sa fille, et que j'ai intérêt à être gentil avec elle. J'en explique le contenu à Oldwyn, sans lui parler du PS. Je retourne m'asseoir. Cette fois, il faut que trouve un truc à dire.

-"Je me demande bien ce que ça fais de vivre à Aletta, si j'avais des vacances j'irais peut-être faire un tour."

Mouais, peux mieux faire Ash. Il me reste plus qu'à espérer qu'elle se débrouille mieux que moi en relation humaine, ce qui ne dois pas être bien compliqué.

Après une petite seconde de réflexion j'accepta de rester manger. J'avoue avoir eu un peu la flemme de devoir trouver un magasin aussi tard pour me faire quelques pâtes ou un bol de riz sec à manger seule dedans la télévision à moitié brouillée en continue. Nous sommes donc allés dans la salle à manger, où je me suis installer, la cuisine était à coté, communiquant avec la salle, de là il commence à cuisiner pour nous. Je souris en coin quand il me dit être mauvais cuisinier, je n'ai pas osé lui répondre que j'étais une vrai quiche, je ne cuisine que par survie. Sinon j'ai tendance à prendre du tout préparé ou demander, sans autre solution, de l'aide pour cuisiner. Il me dit qu'on pouvait commander quelque chose mais je n'avais pas envie je lui acquiesça donc de la tête que son repas, simple, me suffirait amplement, je ne suis pas une grande mangeuse au fond. Alors qu'il se battait avec les deux steaks, je le regardais du coin de l’œil en souriant, il me paraissait plus détendu et différent que tout à l'heure sur le canapé. Je ne le voyais plus du tout comme le chef de quartier, c'était un simple homme, comme j'aurais pu en rencontrer dans la rue et me lier d'amitié. Coupée dans mes pensées par l'odeur qui repas qui approchait, je remercia Ash de me servir et commença à déguster les quelques pommes de terre et mon steak dans le silence. Je ne savais trop quoi dire, je ne voulais pas déranger. Mais il coupa le silence une première fois en faisant cogner la bouteille de whisky, quel classe, il pourra bientôt me caser dans : Invitée alcoolique, et inscrire en petit en dessous : Ne plus sortir le whisky en sa présence. Je le remercia encore pour m'avoir servi. Brusquement il se lève pour lire la lettre de ma mère et m'en dire le contenu. Rien de bizarre, du moins rien qui pourrait m'interpeller plus que ça. Le silence c'est de nouveau installé. J'essuie délicatement ma bouche avec la serviette en papier puis passe une mèche derrière mon oreille pour ne pas qu'elle finisse dans mon repas. Ash brise ce silence pesant une seconde fois, merci. Je saute sur l'occasion pour lui répondre le sourire aux lèvres :

" Et bien ... Tu n'auras qu'à venir manger avec moi, en remerciement pour tout ça ! "

Je le voyais perplexe encore une fois, comme si il pensait refuser poliment avec comme prétexte "ses devoirs de dirigeant" mais je ne lui en laissa pas le temps et je décrocha :

" Et tu ne peux pas refuser. "

J'avais fini ma phrase sur un petit rictus. Rien de bien méchant. Je finis mon assiette attendit qu'il finisse la sienne, les mains croisées et la tête appuyée sur celles ci. Une fois que nous avions fini, je pris les deux assiettes et alla les déposer dans levier, en revenant vers la table je lui dis en riant :

" Je te ferais visiter, incognito ! Tu pourras même mettre un déguisement si tu veux ! "

Pendant que je parlais j'étais arriver derrière lui, je lui chuchota d'une douce voix :

" A moins que tu n'es peur de moi ? "

Le whisky m'était monté à la tête, mais il y avait un fond de vérité, je voulais le taquiner sur sa retenue et sa mal aisance depuis le début du repas. Voir si il avait un coté joueur ou si vraiment il n'y avait que le dirigeant sous la peau. Je retourna m'asseoir face à lui sans rien ajouté, attendant sans doute une réaction ... du moins le signe d'un homme, un salamandre sous son apparence de chef.

Mon premier réflexe est de me contrôler. Mais je suis plus un dirigeant ce soir, alors je peux faire ce que je veux. Enfin presque tout. Je lui sourit, déplace ma chaise pour être presque à coté d'elle. On se regarde dans les yeux, un léger sourire en coin.

-"Tu veux jouer à ça ? Ok, mais sache que je suis mauvais perdant."

Elle lève un sourcil en signe de défi. Je me rapproche encore plus. Ça ne m'est arrivé qu'une fois auparavant de jouer comme ça, à l'époque tout c'était bien passé car elle était TRÈS entreprenante. Là, Oldwyn à l'air d'attendre que j'agisse. J'ai chaud, je pourrais m'enflammer à tout moment, et Oldwyn ne fait rien pour arranger les choses. J'approche mes mains d'elle, l'attrape par les hanches et je la soulève de sa chaise. Je la porte tant bien que mal au dessus de mon torse.

-"Alors comme ça j'ai peur de toi ?"

Je me dirige vers la salon tout en la portant. Je l'allonge sur le canapé, passe une main dans ses cheveux et approche mon visage du sien.

-"Tu veux aller au bout ?"

Elle hoche la tête, se mord la lèvre inférieure et prend mon visage dans ses mains. Je suis sur qu'on s’amuserait beaucoup, et puis j'en ai envie, il suffit de regarder en direction de mon pantalon pour s'en apercevoir. Mais je me sens mal à l'aise. Je ne suis pas comme ça d'habitude, alors pourquoi ? Je n'en pas envie qu'elle ai une fausse image de moi. Elle à l'air de s'impatienter. J'embrasse ses pommettes, et lui chuchote à l'oreille :

-"Peux tu me donner une chance d'être plus qu'une bonne soirée pour toi ?"

Je m’amusais, il avait l'air d'avoir compris mon envie de jouer, il était prêt à jouer lui aussi. Je le fixe, le sourire aux lèvres pour voir si cet homme est capable de vraiment dépasser son statut de chef de quartier. Il m'interpelle en disant qu'il est mauvais perdant, je ne fais pas très attention à ces mots, absorber par ses yeux. L'ambiance c'était réchauffée une nouvelle fois. Mais pas de façon mal à l'aise, plutôt une chaleur agréable. Je continue mon petit jeu, attendant qu'il agisse, il ne me fit pas attendre plus que ça, il attrape mes hanches et m'entraine vers lui d'un air joueur. J'aime ça. Les secondes s’enchaînent, les doux gestes aussi, je me retrouve avec lui sur le canapé. Il me pose encore une question. Il se pose trop de questions. Moi je ne m'en pose pas, je vis comme ça. Pour ne pas décrocher un mot, je me mordille la lèvre en prenant son visage entre mes mains. Mais je vois bien que quelque chose ne va pas, je libère son visage de mes mains et le laisse me questionner encore une fois. La question de trop. Un vent s'engouffra entre nous. Gênée par la question je détourne mon regard du sien. J'aimerais lui promettre plus qu'un soir, mais je sais que je ne serais jamais fidèle à une seule personne. Je suis comme le vent, je suis toujours en mouvement, jamais fixe. Mon regard revient sur lui, je me dégage de son emprise pour me mettre assise face à lui. Je passe une main sur son visage, en douceur, essaye de lui sourire pour ne pas le blesser et lui dit :

" Je suis désolé. "

Trois mots qui en disent longs, je ne voulais pas lui faire du mal, j'aime bien Ash, mais je ne le forcerais pas à être un ami et un plan de soirée. Si il le faut, nous nous limiterons à une simple amitié ? L'ambiance était retombée, je ne voulais pas être la méchante. Je ne savais plus au me mettre, j'avais l'impression de l'avoir pris pour un jouet alors que j'appréciais vraiment sa compagnie. Je souffla doucement :

" Je vais peut être y aller finalement ... "

Mes derniers mots se faisaient longs. Je n'avais pas envie de partir mais j'avais sans doute fait assez de dégâts pour la soirée. Je me lève doucement du canapé, remet correctement mes habits et me déplace un peu pour ajuster mes cheveux. Je me retourne quand même vers Ash, m’efforçant de lui sourire et lui dit :

" J’espère que tu viendras quand même visiter Aletta avec moi ! "

J’espérais vraiment, je voulais le revoir. Avant de me diriger vers la porte, je m'approcha de lui, de ma hauteur je pris sa tête entre mes mains, et en tout délicatesse, je déposa un doux baiser sur ses lèvres. Rien de vulgaire. Juste un baiser que je désirais. Je lui souris une dernière fois et me mit à me diriger vers la porte. Je voulais qu'il me retienne, pour me montrer que ce n'était pas grave. Mais je ne sais pas si il allait le faire ...

Elle est dehors mais sa présence est encore importante dans la pièce. J'ai l'impression de voir les courbes de sa silhouette se dessiner dans l'air de la salle à manger. Je suis con, qu'est ce que je croyais ? On peut dire que j'ai vraiment été ridicules sur ce coup là. Oldwyn, j'ai bien l'intention de laver cet affront de la façon la plus douce possible un jour, et quand ça arrivera tu regretteras d'avoir attendu. J'obtiens toujours ce que je veux, il suffit de s'enfermer dans une carapace et de jouer stratégique. C'est ce que je fais toujours, et je gagne à chaque fois. Et dire que je me lamentais sur mon sort un peu plus tôt. C'est vrai que ma vie privée ne donne envie, mais ça ne me gênais pas avant, alors pourquoi maintenant ? Quand est ce que j'ai perdu de vue le plaisir de jouer avec le pouvoir ? Quand ? Heureusement que personne ne peut lire dans mes pensées, on me prendrait pour un fou. Je sais que cela n'est pas un jeu et que des gens compte sur moi et c'est pour ça que je ne peux pas me permettre de perdre. Mais Oldwyn a réveillé en moi une envie, un éclat sombre, comme une épine de verre dans un buisson de rose. C'est mon coté sombre, l'effet enivrant qu'a le pouvoir sur moi. J'avais réussi à l'enterrer pour mieux atteindre mon objectif. Maintenant j'en ai un deuxième : Oldwyn ! Je la veux et je l'aurais !

Je parle toujours de carapace quand j'essaye de définir l'état dans lequel je rentre quand un problème doit être résolu, mais cette carapace a des piques. Avant je les dirigeais contre moi pour être blessé plutôt que blessant. Mais on ne vit qu'une fois, et si je me fais souffrir les autres en feront de même et mon existence sera misérable. Et j'en ai pas envie, je ne suis pas un martyr ! Je suis un dirigeant ! Cette fois les piques se trouveront en dehors de ma carapace, et plus à l'intérieur. Demain je me dirais peut-être que j'ai trop bu et que je pense n'importe quoi. Mais pour l'instant mon coté sombre me parait plus juste.

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